Hépatite C : le nouveau hold-up des labos

on lundi, 21 juillet 2014.

Hépatite C : le nouveau hold-up des labos

 

 

 

 

 

 

 

 

L’arrivée de nouvelles molécules, appelées antirétroviraux d’action directe (AAD), change la donne pour traiter voire éradiquer l’hépatite C. Seul inconvénient : leur coût est jugé exorbitant.

Ces nouveaux traitements – dont fait partie le Sovaldi (sofosbuvir), du laboratoire américain Gilead –, autorisés en Europe fin 2013, sont nettement plus efficaces et ont beaucoup moins d’effets secondaires que le traitement de référence actuel, qui associe l’injection d’interféron pégylé (agent renforçant la réponse immunitaire, modifié pour persister plus longtemps dans l’organisme) à la prise orale d’un antiviral, la ribavirine, pendant 24 semaines. L’efficacité sur la réponse virologique est en effet de 90 %. « Il n’est donc pas abusif de parler de révolution thérapeutique », soulignait dans nos colonnes Jean-François Delfraissy, directeur de l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (« Science & médecine » du 4 juin). 

La Haute Autorité de santé (HAS) recommande d’utiliser ces traitements pour les patients ayant atteint les stades sévères de la maladie, ayant développé une cirrhose (stade F4) ou atteint le stade de fibrose hépatique sévère (stade F3), a-t-elle indiqué mardi 1er juillet. La HAS préconise aussi de traiter ainsi les malades infectés concomitamment par le virus du sida. Elle a en outre estimé que le Sovaldi apportait une amélioration importante du service médical rendu.

En France, environ 230 000 patients seraient contaminés par l’hépatite C, dont 59 % diagnostiqués, soit 130 000, et environ 5 000 nouveaux cas chaque année. Parmi les personnes diagnostiquées, 43 % seraient au stade de fibrose F0 ou F1, et 49 % aux stades plus avancés F2 à F4. Un quart de ces derniers seraient aux stades F3 et F4, pour lesquels la HAS recommande un traitement.

NÉGOCIATIONS AVEC GILEAD

Mais leur coût faramineux – plus de 19 000 euros la boîte, soit environ 50 000 euros pour l’intégralité du traitement, qui dure en général trois mois – inquiète les autorités sanitaires françaises. C’est, pour l’heure, le prix qu’a fixé le laboratoire Gilead dans le cadre de l’autorisation temporaire d’utilisation, cadre dans lequel le prix est libre.

Au total« sur une moyenne de quatre mois de traitement pour 25 000 patients par an, cela fait 1,9 milliard d’euros par an, soit 7 % du budget annuel du médicament de la France. A ce prix-là, c’est un véritable hold-up », s’insurge Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la Caisse nationale de l’assurance-maladie des travailleurs salariés. En effet, un tel prix aurait des conséquences délétères sur la recherche et sur le traitement des autres pathologies. Même avis au ministère de la santé, pour qui c’est un risque sans précédent pour la solidarité nationale. La France a lancé, le 20 juin, une offensive au sein de l’Union européenne pour tenterd’obtenir de l’industrie pharmaceutique une baisse du prix de ces nouveaux médicaments, jugé excessif. Cette « initiative commune » a reçu le soutien de 14 partenaires européens de la France, dont l’Allemagne, et de la Commission européenne. Ce prix est jugé « extrêmement élevé et insoutenable pour les budgets de santé », relèvent les 15 coalisés dans une déclaration commune. lls soulignent en outre les risques d’exclusion de « milliers de patients et de nouvelles contaminations pourtant évitables ». C’est la première fois qu’une telle coalition se forme.

En France, la balle est entre les mains du Comité économique des produits de santé, qui négocie avec le laboratoire Gilead. Une réponse doit être donnée dans un délai de 90 jours. Pour beaucoup d’experts, le coût serait 4 à 5 fois trop élevé. Certains mettent en avant le fait que ce prix servirait à éponger l’important montant payé, fin 2011, pour racheter Pharmasset (11 milliards de dollars), ancien propriétaire de la molécule. Pour Frédéric Van Roekeghem, « certes, il fauthiérarchiser et traiter ceux qui ont le plus besoin de l’être, notamment ceux qui ont une co-infection, mais sélectionner les patients et attendre l’aggravation de leur pathologie pour les soigner, c’est discutable ».

Comment, dans ces conditions, garantir un accès équitable à tous ? C’est le questionnement d’une vingtaine d’associations dont SOS Hépatites, qui craint une discrimination sur des critères non médicaux. « Nous appelons l’Etat à exiger un juste prix et donc à jouer son rôle de régulateur auprès des industriels afin de fairebaisser les prix et de garantir l’accès à ces nouvelles molécules pour au moins 80 000 personnes atteintes d’hépatite C chronique chez qui le traitement doit êtrecommencé », avertissent ces associations. 

D’autres molécules devraient rapidement arriver dont le Daklinza (daclatasvir), du laboratoire américain Bristol-Myers Squibb, qui vient de recevoir un premier feu vert de l’Agence européenne du médicament pour sa commercialisation en Europe.

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